Analyse du CD "Indigo Nights"
Une fois encore, Prince utilise en 2008 une méthode inhabituelle pour diffuser son dernier opus. Après une distribution opérée à l'entrée des concerts (Musicology), puis à l'aide d'un hebdomadaire (Planet Earth), voici que son dernier CD, une sélection des meilleurs moments en aftershows de l'été 2007 à Londres, est proposé comme complément d'un somptueux livre de photos.
Le livre, intitulé "21 Nights", propose des vues backstage et sur scène captées pendant la série de 21 concerts donnés à Londres durant l'été 2007. Ces concerts donnés à l'O2 Arena (21.000 places) ont été suivis, à environ 15 reprises, de séances en aftershows dans le club Indigo (2000 places), situé dans le même complexe. Ces prestations tardives, aujourd'hui clairement organisées, ont fait la réputation de Prince dans les années 1980 et 1990. Elles sont souvent l'objet de distinction, soit par la rareté des titres qui y sont joués, soit par la qualité de la prestation elle même qui s'écarte très sensiblement du concert donné en première partie de soirée.
L'intérêt pour ces aftershows est tel que la plupart d'entre eux sont disponibles en enregistrement pirate, quelques jours à peine après avoir eu lieu. On peut donc s'interroger sur la nécessité de réaliser une compilation qui sera, forcément, largement éditée et ne fera que frustrer les fans exigeants déjà gavés d'enregistrements pirates souvent de très bonne qualité.
Mais il n'est pas certain que ce soit ce public là que Prince adresse. Au contraire, le livre de photos se veut une manière de pénétrer dans son univers de luxe et de stupre, et du coup la durée du CD (79 minutes) est largement suffisante pour parcourir le livre en même temps.
Le CD s'intitule "Indigo Nights" et il est le produit de deux aftershows: celui du 16 septembre et celui du 21 septembre, lequel fut le dernier de la série et qui se prolongea jusqu'à plus de quatre heures du matin. Les fans spécialistes apprécieront plus ou moins les choix opérés, certains jugeant par exemple la version de "3121" du concert du 6 septembre comme étant supérieure à celle proposée. D'autre part, beaucoup regrettent l'absence pure et simple du morceaux extraits du concert du 28 août, durant lequel Prince avait surpris en jouant une série de morceau dans une configuration "New Power Trio" (basse-batterie-guitare). Il fut indiqué sur le site officiel à l'époque que la bande sonore de ce show servit justement à une séance photo faite en plein Londres le lendemain matin, réveillant les voisins d'un son purement rock'n'roll. Le contenu existe donc et avait suscité l'envie lors de l'annonce du CD "Indigo Nights", mais il a été complètement écarté de la configuration finale. D'une manière plus générale, résumer 15 concerts d'anthologie en un seul CD impliquait nécessairement une grande part de rebus, et certains fans estiment que Prince a gaché la possibilité de sortir une rétrospective qui aurait damé le pion aux meilleures éditions pirates.
Le CD est simplement divisé en deux: les sept premiers titres sont issus du concert du 16 septembre, alors que les 8 autres sont issus de celui du 21 septembre. La sélection s'ouvre sur une version excellente de "3121" durant laquelle Prince intègre au beau milieu des éléments de "D.M.S.R.". Les cuivres sont aussi à l'honneur et dès l'introduction reprennent facétieucesement des riffs de classiques comme "Music Music Music" ou "The Entertainer". Plus tard, Mike Philips est mis à contribution pendant que Prince sollicite la foule pour taper dans les mains. Le groove/jam est excellent et montre toute l'étendue du talent de Prince en live.
On enchaine sans reprendre son souffle vers une version électroboostée de "Girls & Boys" que Prince ponctue de ses "uh uh", et où les spectateurs contribuent aussi aux paroles. Joshua à la basse est mis en avant vers la fin du morceau, bientôt épaulé par les cuivres et la batterie pour évoluer vers un "Song Of The Heart" après tout bien groové et plaisant. Le même groove évolue vers "Delirious", et le monologue "Just Like You" finalement plutôt sympathique.
On poursuit alors avec un "Satisfied" livré dans une grande tradition Soul, Mike Philips étant à nouveau mis à l'honneur pour un solo... à couper le souffle! "Beggin' Woman Blues" poursuit sur le même tempo qui du coup s'étire un peu trop en longueur (12 minutes au total).
Heureusement "Rock Steady" nous ramène au groove le plus excellent. On passe alors à la seconde moitié du CD (et donc à l'after du 21 septembre) comme si de rien n'était, et comme s'il s'agissait du même concert. Beverly Knight est mise à l'honneur sur ce titre. Un riff de guitare catacombeux introduit alors "Whole Lotta Love" qui se poursuit en instrumental bien entendu. Pour avoir vécu le concert en question, je me demandais comment Prince allait pouvoir enchainer sans "Shhh" derrière. Et bien c'est coupé un peu brutalement, mais ça passe.
Heureusement "Rock Steady" nous ramène au groove le plus excellent. On passe alors à la seconde moitié du CD (et donc à l'after du 21 septembre) comme si de rien n'était, et comme s'il s'agissait du même concert. Beverly Knight est mise à l'honneur sur ce titre. Un riff de guitare catacombeux introduit alors "Whole Lotta Love" qui se poursuit en instrumental bien entendu. Pour avoir vécu le concert en question, je me demandais comment Prince allait pouvoir enchainer sans "Shhh" derrière. Et bien c'est coupé un peu brutalement, mais ça passe.
On continue avec "Alphabet St" là aussi joué en grande partie instrumentale, mais qui au final rejoint tout de même pas mal la version présente sur le coffret "One Nite Alone Live" (mêmes sons de claviers), avant d'évoluer vers le chant "oooh funky London". Néanmoins là aussi l'éditing se fait sentir lorsqu'on passe à l'instrumental "Indigo Nights" avec un piano de Renato sursonore, il s'agit en fait du passage instrumental qui suivait "Get On The Boat", lequel n'a pas été intégré ici. Cependant ce titre permet de se rendre compte à quel point les enregistrements bootlegs occultent l'excellence de la prestation live et des multiples petits artifices sonores que Prince lous livre ici probablement sans retouche.
"Misty Blue" est une autre réussite, une parfaite ballade Soul chantée par Shelby Johnson. "Baby Love" des Mother's Finest permet de retrouver l'énergie un moment redescendue. Ce titre est plutôt bon et met Shelby en valeur.
"The Question Of U" s'ouvre sur un long passage instrumental avec solo de saxophone. Bien sur ce type de titre fait partie de l'univers Princier et n'aurait pas dénoté dans une rétrospective sur plusieurs CD... mais là, 9 minutes pour ça... on se dit qu'on aurait préféré un peu plus de morceaux guitaristiques, par exemple de l'after du 28 août. Bien sur, les solos (Mike Philips, Renato...) se succèdent, sans compter Prince à la guitare, et le titre est bon, mais pour les habitués des bootlegs, cette version connue depuis déjà des années a incontestablement un air de déjà entendu.
L'autre inquiétude concernait "All The Critics Love U In London", qu'aux vues du timing (7:04) on sentait largement éditée par rapport à la version donnée lors du concert. Pas de panique, celle ci conserve l'essentiel mais l'intro est effectivement bien raccourcie. Bizarrement le titre se termine avec des interviews de fans sur le fond sonore de... "Batdance"!!!
Le moins que l'on puisse dire en écoutant ce CD est que Prince peut être fier de son groupe. Il y eut souvent des critiques à l'égard de la section rythmique ou de Mike Philips (présenté parfois comme un ersatz de Maceo qui s'était absenté sur la tournée Musicology). Mais ce groupe-ci soutien aisément la comparaison avec le précédent (John Blackwell, Rhonda Smith) ; un CD d'excellente facture donc et s'il reste encore quelque chose de l'inventivité, de l'audace, de la perfection que Prince a démontré au cours de sa carrière, c'est bien encore et plus que jamais sur scène, et précisement lors des séances d'aftershow.